i 04 EN MÉDITERRANÉE magistrats, on créa l’École de droit du Cheriat. Pour réveiller l’art musulman, on rechercha dans tout le pays les ouvriers les plus habiles et dans les manufactures d’Etat, instituées à cet effet, on s’efforça de ranimer les vieilles traditions oubliées. Pour flatter le sentiment des disciples du Prophète, on arbore chaque vendredi, sur la grande mosquée de Serajevo, l’étendard vert de l’Islam. Enfin on a fait place aux musulmans ■— et fort largement— dans les fonctions municipales; on les a choyés, flattés, caressés, conservant, pour ne point les froisser, les institutions les moins nécessaires, jusqu’aux muftis, « une institution peu pratique, disait un haut fonctionnaire bosniaque, mais qui est en grande vénération chez les musulmans », jusqu’aux derviches mêmes, moins utiles encore et encore bien plus respectés A Serajevo comme à Scutari, on trouve des derviches hurleurs. Comme ce sont gens de province, ils hurlent avec bien plus de conviction et d’ardeur fanatique que les aimables sceptiques de Scutari; et cela les rend d’autant plus intéressants. Nous avions grand désir de les voir, et l’administration autrichienne a trop courtoises façons pour ne point déférer avec empressement au moindre désir de ses hôtes. On convint donc, pour le jeudi soir huit heures, de monter à Sinan-tekké. Pour nous faire honneur, on avait organisé une façon de cortège aux flambeaux, et vraiment la promenade était fort pittoresque, dans la nuit bleue de lune, à travers le vieux quartier turc farouche, parsemé de cimetières déserts, où se blottit le tekké des derviches; et pour que rien ne manquât à la fête, pas même io 1. Cf. A. Leroy-Beaulieu, art. cité, p. H7-Î18.