214 EN MÉDITERRANÉE d’hommes enfin, vêtus de robes blanches qui traînent jusqu’à terre; en une sorte de danse lente, rythmée par la musique, ils s’avancent, s’excitant par des cris farouches, brandissant en main des épées nues. Et par deux fois la procession passe et disparaît dans les profondeurs sombres du Validé-Han. Tout à coup une marche funèbre résonne, dominée par un bruit sourd de poings qui frappent des poitrines en cadence, et de nouveau le cortège apparaît. Des hommes par centaines, les vêtements en désordre, le buste demi-nu, martèlent à grands coups leurs torses découverts, tandis qu’un chant de deuil, lent, plaintif et monotone, qu’entrecoupe parfois un grand cri de douleur éclatant, règle et rythme la cadence. Puis au loin une lamentation s’élève, aiguë et douloureuse, une courte phrase triste, incessamment reprise et répétée ; les drapeaux, les chevaux repassent; et derrière eux un chœur de petits enfants, habillés de noir, portant en main des flambeaux de cire, passe en psalmodiant une sorte de complainte, où par brusques saccades les voix montent et s’abaissent sur un mode lent et singulier. De nouveau une musique lugubre retentit, mêlée de cymbales et de tambours, au-dessus desquels s’élève parfois une éclatante fanfare de trompettes. Et à la rouge flambée des torches, une mêlée confuse apparaît, d’hommes, de chevaux, de bannières. L’un des chevaux, drapé d’une housse ensanglantée, porte sur sa selle une colombe, symbole de l’âme du martyr tombé dans la bataille; derrière, dans des palanquins décorés de panaches et d’aigrettes, de jeunes enfants représentent sa famille pri sonnière ; et voici enfin, dans leurs longues robes blanches déjà toutes rouges de sang, des