VILLES MORTES D’ORIENT s’est établie; dans les plus belles maisons des chevaliers, des familles juives ont élu domicile. Entre les larges fenêtres du xve siècle, aux croisées de pierre, à l’élégant encadrement sculpté, au-dessus de la porte blasonnée, une vérandah de bois s’accroche à la muraille et défigure la façade de l’ancien palais de l’Àmirauté. Avec son toit en terrasse, portant au faîte les anneaux de pierre qui servaient à arborer des étendards, avec son large escalier à la rampe finement ouvrée, avec sa fenêtre fleurdelysée et les délicates sculptures de son portail, la Châtellenie, à demi ruinée, fait bonne figure encore, mais un marché aux poissons l’empeste et la déshonore. Ailleurs, au bout des rues couvertes en arcades, qui dans leur pittoresque demi-jour gardent l’aspect d’autrefois, brusquement on débouche sur des placettes d’Orient où, dans l’ombre d’une mosquée, des fontaines chantent sous des arbres verts. Et pour n’être point sans charme ni sans grâce, ce décor inattendu jure un peu avec les souvenirs qu’évoquent le nom et l’histoire de Rhodes. Pour en retrouver la glorieuse mémoire, c’est ailleurs qu’il faut aller, hors de la ville, sur les glacis de ces remparts formidables, aux murailles massives, aux larges et profonds fossés, le long de ces bastions d’Auvergne, d’Italie, d’Aragon, encore ébranlés par les brèches du grand siège, à travers ces vastes cimetières turcs qui font à l’enceinte de la forteresse une seconde et mélancolique enceinte, et où dorment les quarante mille Musulmans morts à l’assaut de Rhodes. Il faut, le long du port, suivre le front de mer, avec ses vieilles tours deNaillac et de Saint-Nicolas, entre lesquelles se tendait jadis la chaîne qui fermait la passe, avec sa eolide porte de Sainte Catherine, où se lit encore le