138 EN MEDITERRANEE il semble bien, quoi qu’en ait conté la vanité grecque, que le dieu dut payer rançon, et plus tard celle des Thraces qui pillèrent le temple et l'incendièrent; puis ce fut Sylla, qui, malgré sa piété superstitieuse, fit main basse sur l’argent d’Apollon, et Néron qui, pour accroître ses collections, enleva d’un seul coup plus de cinq cents statues dans le sanctuaire. A ce moment, dans la ville appauvrie, dans le temple déchu, le discrédit moral absolu, la ruine matérielle presque complète semblent attester une définitive décadence. Et pourtant tel était le prestige de Delphes que, durant les quatre premiers siècles de l’ère chrétienne, chaque fois gu’un réveil du sentiment religieux provoqua une renaissance du paganisme, l’antique sanctuaire d’Apollon retrouva un sursaut de vie et de prospérité. Au temps des Antonins, Plutarque et Pausanias nous montrent, dans « la ville sainte de Delphes », comme disent les inscriptions, une aisance, une richesse, un luxe sans pareil, et la description qu’ils ont laissée de ses monuments atteste la grande figure que, malgré les pillages et les désastres, elle faisait toujours encore dans le monde antique. Ce devait être le dernier éclat de sa splendeur. Vainement, contre le christianisme vainqueur, Julien essaya de ressusciter le vieux sanctuaire; l’oracle ne rompit son silence séculaire que pour prononcer ces paroles découragées : « Ma maison est tombée par terre; Phœbus n’a plus de grotte, plus de laurier prophétique, plus de source parlante; l’onde murmurante elle-même a séché. » Déjà, pour parer Constaniinople, Delphes avait dû céder les plus fameux de ses chefs-d’œuvre ; vers le milieu du ve siècle, le christianisme prit possession du grand temple et le transforma en une église chrétienne.