VILLES MORTES D’ORIENT 231 ments et de bien d’autres encore dont Chypre est pleine. Je ne veux retenir ici que la seule Famagouste, de,toutes ces villes latines de Chypre celle qui donne l’impression la plus saisissante, celle de toutes aussi qui, par les épisodes de son histoire, par le nombre et la variété de ses édifices, résume le mieux les traits caractéristiques de cet art et de cette civilisation. Quiconque a lu Othello, garde en son souvenir le nom de Famagouste. C’est là que Shakespeare a placé la tendre et tragique aventure de Desdémone et du More de Venise, et aujourd’hui encore, au château de Famagouste, une tradition légendaire se plaît à montrer le palais d’Othello. Mais si par cette poétique histoire, Famagouste est entrée tout droit dans l’immortalité littéraire, elle a d’autres titres, et non moins sérieux, à la gloire historique. Pendant tout un siècle, le xiv°, elle a été l’une des plus grandes villes de commerce de l’Orient, un marché international et cosmopolite comparable à Constantinople, à Venise, à Alexandrie, une cité prodigieusement riche, prodigieusement vivante et prodigieusement corrompue. On a pendant longtemps considéré les croisades comme de brillantes expéditions militaires, nées d’un grand mouvement d’enthousiasme religieux, comme des guerres saintes, dont le seul but fut la reprise et la défense de la Palestine. Et sans doute il y a dans cette conception une part de vérité. Pourtant ce serait étrangement fausser l’histoire des établissements latins