VILLES MORTES D’ORIENT 251 IV Chypre avait recueilli l’héritage commercial des croisades. Rhodes en recueillit l’héritage militaire. Après la perte de la Terre Sainte, les chevaliers de l’Hôpital, eux aussi, avaient cherché d’abord un refuge en Chypre. Mais ils étaient de trop puissants seigneurs pour se résoudre à vivre sous la tutelle des Lusignan ; il leur fallait un domaine qui leur appartînt en propre. En 1309, le grand-maître Foulques de Villaret s’empara de l’île de Rhodes ; sur ce petit royaume, bientôt accru de toutes les îles voisines, Cos, Nisyros, Symi, Calymnos, l’ordre de l’Hôpital allait régner en maître pendant plus de deux cents ans. Aujourd’hui encore tout ce coin des mers orientales est plein du souvenir des chevaliers. A Cos, à Makri sur la côte d’Asie, on voit les ruines imposantes des citadelles qu’ils édifièrent, à Halicarnasse le merveilleux château, parvenu presque intact jusqu’à nous, qu’ils construisirent avec les débris du célèbre tombeau de Mausole. Mais Rhodes surtout est toute remplie de leurs monuments. Sur la haute falaise de Lindos, sur l’acropole que couronnait jadis le temple d’Athéna Lindienne se dresse, dominant au loin la mer, une admirable forteresse féodale : avec sa double enceinte crénelée, ses larges escaliers gravissant la pente abrupte de la colline, ses sombres portes à mâchicoulis, scs grosses tours blasonnées aux armes de l’Ordre et du grand maître Emery d’Amboise, il en est peu de plus flères; et j’en sais peu qui soient plus pittoresques, dans ce délabrement même où l’antiquité grecque et le