CONSTANTINOPLE Corne-d’Or sillonnée de caïques, sur les grandes vallées pleines de verdure qui descendent vers Stamboul, et plus loin sur d’autres cimetières encore — mélancolique ceinture dont la ville s’entoure du côté de la terre, et que domine la ligne sinueuse des vieilles murailles byzantines. Et par ce chemin, où chaque détour évoque des siècles d’histoire, par ce chemin si triste et si beau, qui, du fond de la Corne-d’Or jusqu’aux Sept-Tours, s’en va entre des tombeaux et des ruines, nous revenons, le long de cette triple et formidable enceinte pii tant de fois brisa l’effort de toutes les barbaries, jusqu’à ce jour sinistre du 29 mai 1453, où, sous l’assaut furieux des soldats de Mahomet, Byzance succomba enfin, où — à cette porto de Saint-Romain dont on retrouve la place — le dernier des empereurs chrétiens d’Orient est mort l’épée à la main, écrasé sous le nombre, sur les remparts de sa capitale envahie. Aujourd’hui encore, les brèches béantes ouvertes au flanc des murailles, les pans de maçonnerie tombés au profond des fossés, les bastions crevassés, les hautes tours crénelées demeurées intactes, disent la fureur des attaques et l’énergie des résistances désespérées; et sur cet immense château féodal tout doré par les siècles, les arbres de Judée mettent leurs nuances claires, et la nature, qui sait si bien parer les blessures des ruines, drape d’un manteau de lierre et de verdures les courtines et les tours. Et c’est dans cette Stamboul lointaine, endormie au pied des vieux remparts, dans ces quartiers perdus, que couvrent de leur ombre séculaire les mosquées de Sélim et de Mahomet, c’est là, bien plus que dans les rues peuplées d’une foule cosmopolite, qu’il faut venir pour retrouver quoique chose de la couleur d’Orient. Dans