VILLES MORTES D’ORÎENT 237 cieuses tourelles en encorbellement, leurs toits plats couronnés de créneaux et que débordent des gouttières en têtes de dragons, restes exquis et presque uniques de l’architecture civile au xve siècle. Sur les façades aux délicates sculptures, l’écusson fleurdelysé alterne avec la croix de l’Ordre et les blasons des grands maîtres et des grands prieurs ; et ce n’est point sans quelque émotion que, sur les murailles de ce prieuré de France, merveilleux joyau de l’art du xve siècle, on lit, sous les lys de France, le vieux cri de : Montjoie Sainct Denis, et à côté des armoiries des Aubusson et des l’Isle-Adam, ces inscriptions françaises : Pour la maison. Pour l’oratoire. Pour Philerme, où revit, avec le souvenir de notre pays, la dévotion fidèle des chevaliers pour leur oeuvre et pour leur Dieu. Dans l’histoire de l’art latin d’Orient, Chypre représente le xiii0 et le xiv° siècles; Rhodes, au contraire, est du xve siècle presque tout entier. Le grand siège de 1480, le tremblement de terre du 17 décembre 1481 avaient presque complètement détruit la ville : ce fut l’œuvre des derniers grands maîtres de la relever de ses ruines, et c’est ce qui donne à ses monuments leur unité et leur intérêt. « Il n’y a peut-être pas de ville en Europe, disait Newton en parlant de la rue des Chevaliers, où l’on puisse trouver une rue qui ait si peu changé depuis le xv° siècle. » Il aurait pu en dire autant de la ville entière. Aujourd’hui encore, Rhodes offre le rare et presque unique spectacle « d’une cité française du xve siècle demeurée presque intacte, conservée avec tous ses monuments, depuis ses églises et ses palais jusqu’à ses plus humbles demeures 1 », Et 1. De Vogiié, Les Églises de la Terre-Sainte, p. 379. EN MÉDITERRANÉE.