LA SAINTE-MONTAGNE DE L'ATHOS 187 L’autorité patriarcale a ressaisi la Sainte-Montagne; à la place de la constitution autoritaire, qui concentrait le pouvoir aux mains du -protos et des higoumènes, un esprit plus démocratique a introduit dans la communauté une façon de régime parlementaire : dans beaucoup de couvents, au principe de la vie commune s’est substitué le système particulariste qu’on nomme « l’idiorrythmie », où chaque moine garde ses biens propres, les administre directement et en vit, isolé de ses frères, dans un appartement spécial du couvent. Et sans doute avec la transformation des institutions, la décadence morale aussi est venue. Au xvi°, au xviie siècle, les moines de l’Athos vivent en grands propriétaires mondains, vêtus de riches habits, montant des chevaux de prix ou des mules richement harnachées, menant grand luxe dans leurs monastères, faisant du commerce et des dettes. Et quoique, depuis la fin du xvme siècle, une sérieuse réforme ait ramené quelque ordre dans la Sainte-Montagne, bien des choses, on le peut croire, ont, depuis le moyen âge lointain, changé dans les communautés de l’Athos. Jadis une foi ardente et profonde peuplait d’âmes de choix les solitudes de l’Hagion Oros : aujourd’hui des préoccupations plus médiocres, plus humaines, luttes de races, luttes d’influence, mesquines rivalités, puériles curiosités, ont remplacé chez beaucoup de religieux la hauteur des pensées d’autrefois. Et sans doute, comme les hommes, les choses aussi ont changé. Aujourd’hui, au sommet des vieux remparts devenus inutiles, les moines ont accroché des terrasses et des belvédères; de légers balcons de bois remplacent les chemins de ronde disparus, et le vieux monastère, débordant son étroite enceinte, commence à s’entourer de maisons modernes