LA SAINTË-MONTAGNE DE L’àTHOS 119 eu bord de l’eau, dans les plaines étroites qui s’ouvrent entre les derniers contreforts de la montagne, de grands couvents tranquilles mirent dans les flots d’indigo sombre leurs murailles pittoresques et leurs coupoles vermeilles; d’autres, comme des citadelles féodales, accrochent au flanc des collines abruptes leur corselet de remparts rougeâtres et la couronne de leurs tours crénelées; d’inaccessibles ermitages, retraites d’une particulière sainteté, se dressent parmi les falaises escarpées, et d’un bout à l’autre de l’admirable et paisible presqu’île, sur près de quarante kilomètres, les couvents succèdent aux couvents, monde fermé, que seul un isthme étroit rattache à la terre, et qui, moralement plus isolé encore du reste de l’humanité, semble subsister en notre siècle comme un témoin muet des temps évanouis. Voilà près de mille ans, en effet, qu’une république monacale a pris possession de cet incomparable coin de terre, d’une si rare et si étrange beauté; voilà des siècles qu’elle y conserve, comme une vivante évocation du passé, les coutumes surannées, les mœurs singulières, la discipline austère de cette société monastique que la Grèce du moyen âge a connue; et voilà pourquoi, dans cet Orient si fertile en merveilles, l’Athos, la Sainte-Montagne des moines, demeure l’une des plus grandes curiosités qui se puissent rencontrer. Ailleurs, à Constantinople, Sainte-Sophie et l’Hippodrome, le palais et les murs nous montrent une Byzance élégante et raffinée, tour à tour guerrière, voluptueuse et tragique, la cité de luxe et de splendeur, qui fut vraiment le Paris du moyen âge : ici, dans la sainte presqu’île, toute peuplée de vieux couvents sombres, revit un autre aspect de cette grande civilisation disparue, la Byzance mystique et dévote,