96 EN MÉDITERRANÉE bord de l’eau qui évoque Asnières et Bougival, entre ce joli lac alpestre et ce grave village turc d’Asie. Mais tout ceci, c'est une Bosnie, assurément charmante, mais c’est un peu, si j’ose dire, la Bosnie pour touristes, fournie d’hôtels accueillants et confortables et où l’on trouve à l’heure dite le train en partance, la voiture prête, la collation servie. A côté de cette Bosnie, •un peu parée et fardée, il en est une autre, que l'étranger visite plus rarement, et dont la saveur est plus originale et plus sauvage : c’est celle du sud-est et de l’est, celle qui touche à la Turquie et à la Serbie. Pour voir l’aspect véritable du pays, c’est là surtout qu'il faut aller, à travers les grandes planinas solitaires, les hauts plateaux tapissés d’herbe rase qu’encerclent au loin des bouquets de sapins, à travers les grands bois séculaires, les forêts de pins, de hêtres et de chênes centenaires, où parfois la route est à peine frayée, où la rencontre des ours n’est point rare, où il y a danger, tant les loups abondent, à voyager l’hiver — ou encore le long de cette Drina, qui forme frontière entre la Bosnie et la Serbie et qui promène son cours sinueux et rapide entre de hautes falaises calcaires tombant à pic sur les eaux vertes. Quand la rivière est haute, on la descend d’ordinaire sur ces grands radeaux qui conduisent h la Save les bois des forêts bosniaques, et par les défilés étroits et sombres, où parfois la Drina se gonfle en rapides, entre les cimes chauves et les montagnes boisées que couronnent des ruines féodales, c’est, dit-on, une navigation charmante. Il est plus dur de suivre par terre le cours de la rivière, par les sentiers escarpés et glissants, où le robuste petit cheval' bosniaque est seul capable de passer, et qui finissent souvent dans le vide, emportés par places par