LA SAINTE-MONTAGNE DE L’ATHOS 183 replète ; pourtant il n’hésita pas. A peine assis par une révolution sur le trône de Byzance, malgré les conseils et la tristesse de ces moines qu’il avait tant aimés, malgré l’intraitable opposition du patriarche de Cons* tantinople, parlant au nom des traditions saintes de cette Eglise qu’il vénérait, malgré l’injurieuse pénitence que dans Sainte-Sophie, en présence du peuple assemblé, le prélat osa infliger au tout-puissant empereur, malgré son âge, malgré sa prudence, malgré tout, Nicéphore épousa Théophano. Ce que devint cette union mal assortie importe peu à ce récit, et si j’ai tâché de peindre cette âme compliquée, énergique et dévote, mystique et amoureuse, perfide et passionnée, c'est que des velléités monastiques de Nicéphore Phocas et de son audacieux mariage est née la plus ancienne des grandes communautés de l’Athos. Au temps où il rêvait d’achever sa vie au cloître, Nicéphore avait rencontré sur sa route un pieux moine nommé Athanase. Il en avait fait son directeur de conscience, il l’avait à sa suite emmené dans les camps, dans cette campagne glorieuse où il reconquit la Crète sur les Sarrasins ; bientôt, à l’exemple du solitaire, il avait, lui, le général victorieux, songé à fuir loin du monde, et pour réaliser son désir, il avait chargé son ami de bâtir en quelque paisible retraite un monastère, où tous deux finiraient pieusement leurs jours. Dès ce moment, la sévère beauté de l’Athos, ses grands bois sombres que la mer semblait isoler du reste du monde, avaient attiré à la Sainte-Montagne quelques ermites épris de solitude, et groupé quelques modestes communautés. Athanase y vint à son tour fonder le monastère que souhaitait Nicéphore, et grâce à l’argent prélevé sur le butin de Crète et que le général mettait