220 EN MÉDITERRANÉE les yeux, après bien des mois écoulés, les délicates harmonies de cette polychromie exquise, la pourpre éclatante des draperies, les broderies multicolores des tuniques et des tapis de selle et, sous le toit triangulaire du couvercle, cette adorable frise où des feuilles de vigne sauvage serpentent en d’élégants rinceaux jaune pâle sur un fond violetI Et c’est là, dans ces salles silencieuses du musée, et encore dans Sainte-Sophie déserte, que l’on goûte les sensations d’art les plus pleines et les plus pures que Constantinople puisse donner. Et pourtant, il y a bien du charme aussi et de la grâce — mais combien différente! — dans ce palais du Vieux Sérail, dans ce palais des grands sultans d’autrefois, que les maîtres de la Turquie moderne ont délaissé pour les rivages du Bosphore ou les collines d’Yldiz, mais qui n’en demeure pas moins, par les trésors splendides et les pieuses reliques qu’il abrite, comme le sanctuaire de la monarchie. Aussi est-ce chose assez compliquée de franchir les portes, difficilement ouvertes, de l’antique résidence souveraine : il y faut des autorisations spéciales, et toute une diplomatie pour les obtenir; il y faut également, pour acquitter l’hospitalité impériale, des gratifications presque royales. Mais le site est charmant avec ses pelouses d’un vert tendre, sa parure de noirs cyprès séculaires, la fraîcheur des pièces d’eau murmurantes, avec ses terrasses d’où la vue est si belle sur la côte d’Asie et le Bosphore, ses kiosques aux blanches coupoles, capricieusement semés parmi les jardins, avec tout ce décor de palais enchanté, caché derrière des portes farouches et des remparts crénelés de citadelle. Et, tout naturellement, dans ce cadre paisible et solitaire, où nulle présence importune