12 EX MÉDITERRANÉE fortune dans les camps, et cette rude éducation militaire ne lui avait donné ni grandes curiosités d’esprit ni grands raffinements d’élégance. Sans doute, une fois monté sur le trône, il prouva qu’il était plus et mieux qu’un soldat heureux : il avait l’intelligence nette et froide, l’esprit souple et délié, la rare maîtrise de soi qui fait les grands politiques; mais s’il dut à ces qualités éminentes d’être un administrateur incomparable, un diplomate habile, un véritable homme d’État, jamais le parvenu qu’il était ne devint un lettré ou un artiste, un dilettante ou un raffiné. Au faîte même des honneurs, toujours par quelque côté il resta peuple, par cette brutalité native qui, parfois, lui fit la main singulièrement rigoureuse et dure, par cette superstition paysanne, crédule aux oracles et confiante aux devins, par cet amour aussi des pompes magnifiques et solennelles dont il se plut à environner sa nouvelle majesté, comme s’il eût senti le besoin de parer sa personne de l’éclat d'un prestige étranger, et redouté la familiarité des camarades d’autrefois, devenus les sujets d’aujourd’hui. Le temps aussi où il vivait avait d’autres exigences. En cette fin si troublée du iiic siècle, lorsque, chaque année, sur le Rhin, le Danube ou l’Euphrate, Francs et Alamans, Goths et Perses se ruaient à l'assaut de l’empire, on sentait sur toutes les frontières grandir lentement la menace de l’invasion barbare; et, malgré les efforts qu’il avait faits pour arrêter cette marée montante, Dioclétien avait trop d’esprit politique, un coup d’œil trop net et trop sûr, pour ne point sentir que c'en était fait à jamais de la paix romaine. Il avait vu d'autre part, et de trop près, avec quelle facilité on défait un empereur pour ne point prendre quelques précautions, même