210 EN MÉDITERRANÉE polychromes qui tapissent les murailles, l’éclat doré que les mosaïques mettent au sommet des coupoles, la splendide et vibrante harmonie des couleurs habilement nuancées, il est impossible de n’être point profondément saisi de cette grandeur si inattendue et si émouvante. Et peu importe alors le mobilier de mosquée turque remplaçant les orfèvreries précieuses des autels et des iconostases; peu importent les grands disques verts constellés de lettres d’or qui se plaquent lourdement à la courbe des arcades ; peu importe même le badigeon ottoman voilant en partie l’étincellement des mosaïques d’or : sans effort, dans ce décor admirable, l’esprit évoque les temps disparus où, dans Byzance chrétienne, la Grande Eglise, comme on disait alors, était le centre de la vie politique et religieuse de l’empire ; et de nouveau, comme du fond d’un rêve, les vastes nefs s’animent et se peuplent de la foule mouvante et pompeuse des cortèges et des cérémonies ; des figures d’empereurs passent, telles qu’on les voit à Ravenno aux murailles de Saint-Vital, Justinien et Théodora, dans toute la pompe éclatante de leur majesté, et d’autres encore, Ducas, Comnènes, Paléologues, qui jadis défendirent si vaillamment contre l’Islam la « ville gardée de Dieu ». Et dans la solitude recueillie de la grande basilique, lentement on sent monter au cœur comme un vague regret de ce passé mort, comme un vague désir qu’un jour vienne où, dans Sainte-Sophie rendue à son antique splendeur chrétienne, le patriarche œcuménique, comme jadis, reçoive de nouveau l’empereur.