CHEZ LES SLAVES DE L’ADRIATIQUE 69 commune de courtoisie ou de sympathie, avaient pris place à notre table les chefs de l’administration autrichienne et les représentants les plus passionnés de l'idée slave; et lorsque, le moment des adieux arrivé, sur le petit vapeur qui allait ramener nos hôtes à terre; une fois encore la musique embarquée attaqua la Marseillaise, il y eut vraiment une minute de puissante et solennelle émotion. Debout sur la passerelle, sur le pont du léger bâtiment, tous nos invités, tous ceux qui étaient venus sur le Sénégal nous porter les marques obligeantes de leurs sentiments, s’étaient, aux premières notes de l’hymne national, découverts d’un même mouvement, et tous, la tête nue, écoutaient dans un attentif silence; et quand la musique se tut, nos applaudissements se mêlèrent aux leurs, lorsqu’une voix s’écria : « Vive la France, la noble nation qui est toujours à la tête do la civilisation! » Et tandis que le Sénégal levait l’ancre, tandis qu’à notre air national succédaient maintenant les accents de l’hymne autrichien, le petit vapeur nous faisait cortège vers la haute mer, tout bruissant de hourrahs et d’acclamations; et pendant que lentement, comme à regret, notre grand navire s’éloignait de terre, encore une fois, à travers la distance grandissante, le vent nous apportait, atté-j nuées, mourantes, les cadences sonores de la Marseillaise. Depuis ce jour, elle nous a accompagnés, cette Marseillaise, tout le long des rivages dalmates, tantôt, comme à Spalato, ponctuée par les cris significatifs de « Vive la France! Vive l’alliance franco-russe! », tantôt, comme à Raguse, mêlée aux accents presque révolutionnaires du vieil hymne croate de 1848, tantôt, comme à Serajevo, brodée d’étranges fioritures par le