EN B0SNIE-HERZÉG0VINE 123 s’applique du mieux qu’elle peut à effacer la trace et la conscience de cette parenté ethnique, en parlant sans cesse des choses proprement « bosniaques », des choses du « pays ». Je n’ignore point les spirituelles réponses qu’en 1892, comme en 1897, M. de Kallay faisait sur ce point à ses interpellateurs : « Comment voulez-vous que je nomme leur langue? disait le ministre. Je ne puis pas l’appeler serbo-croate, je ne connais pas de race serbo-croate. Si je l’appelle serbe, les Croates se fâcheront; si je l’appelle croate, les Serbes ne seront pas contents. Alors que faire? je l’appelle bosniaque ». La raison est ingénieuse assurément : mais, en ce faisant, n’a-t-on pas l’air aussi de vouloir donner à croire qu’il existe en Bosnie une langue toute spéciale, un slave particulier, distinct du commun langage qui se parle en réalité de l’Adriatique à Belgrade? Et ce désir de distinction apparaît peut-être plus clairement encore dans cette appellation officielle et imprécise qui désigne le slave de Bosnie par le terme de « la langue du pays » (Landesspraclie). Ce mot-là a fait fortune : le gouverneur général de Bosnie s’appelle « le chef du pays » [Landeschef] ; le siège de l’administration centrale, « le gouvernement du pays » (Landesregierung); ainsi du reste. Ce « pays » anonyme, ce Land, c est la Bosnie-Herzégovine : mais il ne déplaît point sans doute de la laisser ainsi anonyme. On masque mieux par là tout ce qu’a d’artificiel la façon dont on l’isole du monde slave auquel elle appartient. Tel est le fait. 11 n’est point fort malaisé d’en deviner les causes. La politique autrichienne n’a nul intérêt à ce que la Bosnie-Herzégovinc prenne trop nettement conscience de l’étroite parenté qui l’unit aux « frères slaves » des états balkaniques. Les provinces occupées