EN BOSNIE-HEUZÉGOVINE 125 une pleine et entière souveraineté, et tout récemment encore, à l’occasion du jubilé impérial de 1898, l’idée fut lancée, comme un ballon d’essai, que la circonstance était tout à fait convenable pour faire à l’empereur François-Joseph ce magnifique cadeau. Quelque émoi que produise, chaque fois qu’elle revient en l’air, cette proposition dans tout le monde slave, il est évident que c’est là la fin dernière et logique de la politique autrichienne en Bosnie. Toute son œuvre dans les provinces occupées ne tend qu’à se créer des titres légitimes pour justifier une éventuelle annexion, et le soin qu’elle apporte à faire valoir cette œuvre n’est qu’une façon de solliciter la récompense des efforts qu’elle a faits pour le progrès et la civilisation. Il faut assurément reconnaître et louer ces efforts; il ne faut point être dupe d’une réclame, dont le but politique est trop visible. Sans doute, en apparence, cette Bosnie lointaine ne nous touche guère ; et sans doute, en fait, une annexion consentie et légitimée ne changerait rien, à ce qu’il semble, à l’état des choses actuel. On voit mal pourtant quel intérêt il y aurait pour nous à donner à une modification de l’acte international de Berlin le consentement — international aussi — qui est théoriquement nécessaire; ou plutôt on voit bien quel intérêt il y a à ne le point donner. Outre que l’occupation légitimée de la Bosnie pourrait bien être le signal d’un nouveau pas vers le sud, il semble bien, dans l’état actuel de l’Autriche, que tout commande, par le maintien du statu quo, de laisser la question ouverte, de ne point ruiner sans retour les espérances que conçoivent les Slaves d’Autriche comme ceux des Balkans *. 1. Cf. sur la situation internationale de la Bosnie et les inconvénients de l'annexion, A. Leroy-Beaulieu, art. cité, p. 127-129.