CONSTANTINOPLE 209 mosquée, parmi les gestes d’adoration lents et graves, montent les psalmodies sonores, d’une si simple et si saisissante grandeur. Et il faudrait noter encore, en cette saison surtout, le charme pénétrant de ce jardin plein de verdure et de fleurs, où, à l’ombre des hauts minarets, dans les iurbés tapissés de rares faïences persanes, Soliman le Magnifique et Roxelane dorment leur paisible et éternel sommeil. Mais, si puissant que soit ici le charme de l’Islam, d’autres souvenirs, et plus prestigieux, s’évoquent, sur ce sol antique de Byzance, des lointains obscurs de l’histoire. Sur cette place de l’Atméidan, où coula le sang des janissaires, ¡’Hippodrome byzantin a laissé sa trace encore visible, cet Hippodrome splendide, paré des plus riches dépouilles de l’art grec, où se déroulèrent tant de pompes triomphales, où se jouèrent tant de sanglantes tragédies, où plus d’une fois les rivalités des factions du cirque allumèrent le tumulte et déchaînèrent l’insurrection. Et tout près, c’est la merveille des merveilles, la chose unique et précieuse entre toutes, Sainte-Sophie, aux proportions si vastes, à la construction si audacieuse, à la décoration si magnifique, que Justinien, en inaugurant l’incomparable édifice, s’écriait, plein d’enthousiasme et d’orgueil : « Gloire à Dieu qui m’a jugé digne d’accomplir une telle œuvre. Je t’ai vaincu, ô Salomon! » Et il se peut bien que, par le dehors, entre les lourds contreforts qui soutiennent ses murailles ébranlées, Sainte-Sophie semble médiocre et mesquine; mais que l’on franchisse la porte royale, par où passaient jadis les somptueux cortèges des empereurs, que l’on s’avance sous la coupole démesurée, si légère pourtant et si lumineuse, où l’art byzantin a créé un modèle jamais dépassé, que l’on regarde la splendeur des marbres EN MÉDITERRANÉE. 14