LES FOUILLES DE DELPHES 131 Phoebos aux armes d’or ». Au loin, sur la sombre mer, il aperçoit un navire crétois; transformé en dauphin, il conduit le vaisseau dans le port de Krisa : transformé en météore lumineux, il amène les marins au sanctuaire, de force il les consacre à son service, et leur promet en échange une incomparable prospérité. « Pauvres hommes, pourquoi craignez-vous? J’élèverai ici un temple, un temple riche, où afflueront du monde entier les pèlerins, les victimes et les présents. » Ainsi Delphes fut, dans la légende, « le point où Apollon, venant du nord, rencontre ses prêtres que le hasard lui amène du midi1 » ; ainsi dans l’histoire, Crétois et Doriens collaborèrent à la fondation du sanctuaire qui, devenu bien vite le « foyer commun » de l’Hellade et le « nombril du monde», allait désormais, durant de longs siècles, jouer dans la Grèce entière un rôle capital. Deux circonstances devaient faire de Delphes l’un des facteurs essentiels de la civilisation hellénique. L’établissement des Doriens dans la Grèce centrale, en mettant au service du temple des hommes d’une foi ardente et d’une rare énergie, assura son indépendance et fonda « ce qu’on appellerait de nos jours le pouvoir temporel du sacerdoce pythique2 ».La constitution de la fameuse amphictyonie, qui groupa autour du sanctuaire un certain nombre de peuples grecs, lui donna d’autre part le caractère d’une institution nationale. Ainsi Delphes prospéra et grandit. Les légendes nous montrent Apollon punissant sévèrement tous ceux qui l’oti-tragent, triomphant de tous ceux qui ten tent de faire concurrence à son temple préféré. L’histoire, plus significative encore, atteste l’influence croissante de la religion 1. Bouché-Leclercq, Histoire de la divination, 111, p. 66. 2. Id., III, p. 107.