LES FOUILLES DE DELPHES Quels lieux plus propices à la prière et à la prophétie !1 » Dans ce site grandiose et sauvage, la vive imagination des Grecs éprouva de bonne heure le recueillement involontaire et la secrète terreur qui fondent les primitives religions. De bonne heure, bien avant qu’Apollon régnât en maître sur Pytho, les Pélasges y adorèrent les forces obscures de la nature, Gaea la terre, Zeus le ciel lumineux, et dans les obscures crevasses ouvertes au pied du Parnasse, dans les sources qui roulent des cailloux dans l’écume blanche de leurs ondes, dans le frémissement mystérieux des arbres, dans le vol des grands oiseaux de proie planant au-dessus des gorges du Pleistos, ils cherchèrent de surnaturelles et prophétiques révélations. Puis d’autres dieux vinrent du dehors : Dionysos, le thrace, qui, dans les bois de sapins et les vastes pâturages du Parnasse, trouva le domaine approprié aux courses nocturnes de ses bacchantes; Poséidon, le dieu des mers, que les navigateurs crétois introduisirent à Delphes, et dont l’animal favori, le dauphin, donna peut être au sanctuaire le nom qu’il a illustré dans l’histoire; Apollon enfin, que les conquérants doriens apportèrent des bords lointains du Pénée dans la Grèce centrale, et qui, par la hauteur des conceptions morales attachées à son culte, supplanta vite dans la vénération des peuples les autres immortels. Et sans doute, dans le sanctuaire du nouveau dieu, Gaea garda son antre prophétique, Poséidon, son autel, Dionysos ses sacrifices et les péans chantés en son honneur; la nouvelle religion ne déposséda point brutalement celles qui avaient préparé son avènement. Mais le puissant dieu de la lumière, le céleste archer destruc-. 1. Homolle, Les fouilles de Delphes {Comptes rendus de l'Acad. des inscr., 1894, p. 382). EN MÉDITERRANÉE, 9