L’HIPPODROME a CONSTANTINOPLE 43 chenègues, et venaient échanger leurs fourrures contre les étoffes byzantines. Ces barbares jetaient à la dérobée des regards investigateurs sur les hautes tours et les puissants remparts de la cité, car beaucoup venaient en marchands, qui se proposaient de revenir en conquérants. C’étaient les cyprès, les sycomores, les lointaines montagnes, les châteaux de plaisance de la côte d’Asie; c’étaient les flots resplendissants sous les rayons du soleil, c’était un ciel si pur qu’au témoignage d’un voyageur on distinguait du promenoir de l’hippodrome, non seulement les vaisseaux, mais jusqu’aux dauphins qui se jouaient à la surface des eaux. Au nord, c’étaient les toits argentés, les coupoles dorées, les grands arbres, les portes d’airain du Grand-Palais; c’était la grande place de l’Augus-téon, toute peuplée de statues, au milieu desquelles se dressait un Justinien à cheval, couronne en tête, le globe du monde dans la main, arrêtant brusquement son coursier, étendant la main vers l’Orient, comme pour repousser les hordes barbares au delà de l’Euphrate; c’était surtout cette merveille de Sainte-Sophie avec sa coupole étincelante d’or, portée sur d’autres dômes de bronze doré, et élevant à une hauteur prodigieuse dans les airs la croix byzantine. Puis la vue s’étendait sur cette immense capitale, héritière du monde grec et du monde romain, métropole du commerce et de la civilisation européenne et asiatique, la seule ville policée des deux continents. Sans doute, bien des masures, de fétides et ténébreux quartiers populaires la déparaient; mais du haut de l’hippodrome le regard plongeait dans de vastes voies bordées