194 ÉTUDES SUR L’HISTOIRE BYZANTINE les plaintes du peuple contre les fonctionnaires, à lui rendre prompte et sévère justice. Comme saint Louis sous le chêne de Vincennes, Théophile jugeait en personne dans la Phialè, Basile Ier dans le Geni-kos, le césar Bardas à l’Hippodrome. Le droit de pétition était un des droits imprescriptibles du peuple de Byzance : le prince recevait lui-même les suppliques du plus humble de ses sujets ou se faisait remplacer dans ce soin par le préposé aux requêtes. Quand l’empereur montait à cheval pour parcourir la ville, « les tambours battaient, les trompettes sonnaient, les clairons d’argent des buccinatores déchiraient l’air, et tout le peuple était averti de venir présenter ses pétitions à l’empereur » (Codi-nus). Dans les processions les plus solennelles, le Basileus s’arrêtait pour écouter ce qu’on avait à lui dire et prendre les papiers. La justice qu’il rendait était souvent une justice à l’orientale, à la turque. Théophile surtout est célèbre par des traits de ce genre : les bouffons de l’Hippodrome, dans une pantomime, révélèrent un vol commis par un haut fonctionnaire ; celui-ci fut à l’instant brûlé vif sur une des places de Byzance. On voyait, représentées en airain, les deux mains qu’il fit couper à un marchand qui avait usé de fausses mesures. On montrait un four où il fit jeter un boulanger qui trompait ses clients. Un fonctionnaire qui, en élevant de plusieurs étages son palais, avait ôté l’air et le jour à la chaumière d’une vieille femme, fut fouetté, rasé, et sa maison donnée à la plaignante. Plus le châtiment était soudain, violent, disproportionné à la faute, plus il frappait l’imagination des masses et plus le justicier en devenait populaire. 11 fallait aussi que