LES EXPLOITS DE DIGÉNIS AKRITAS 85 avoir eu quelque réalité, car elle a vivement frappé l’imagination populaire. Dans la Chevauchée funèbre, la mère d’Eudocie ne peut se consoler d’avoir marié sa fille en pays étranger. Ce sont ses fils qui lui en ont donné le conseil, mais maintenant ils sont tous morts. Dans son ardent désir de revoir sa fille, elle s’en va pleurer sur les tombeaux des neuf frères; sur la tombe de Constantin surtout, qui a le plus contribué au mariage, elle s’arrache les cheveux : « Lève-toi, mon cher Constantin, je veux mon Eudocie. Tu m’as donné Dieu et les saints martyrs pour garants d’aller me la chercher, joie ou chagrin que j’aie, trois fois en été et trois fois en hiver. » — « La malédiction de sa mère fit sortir Constantin du cercueil : la pierre sépulcrale devint un cheval, la terre devint une selle, ses beaux cheveux blonds devinrent une bride, le ver du tombeau devint Constantin. » Il court chez Eudocie et la ramène avec lui sur son cheval. Sur le chemin qu'ils parcourent, les petits oiseaux se mettent à chanter : « Comment se fait-il que les vivants marchent avec les morts? » Eudocie commence à s’effrayer. Son frère la rassure; mais sur le seuil de la maison paternelle, il disparaît. Eudocie tombe dans les bras de sa mère : cet embrassement est le dernier, et, mortes, « on les ensevelit dans la terre où l’araignée file sa toile ». Comme le remarque M. Legrand, il existe en langue grecque plusieurs versions de cette chanson : on en a recueilli chez les Albanais et chez les Serbes; M. Dozon en a publié un texte bulgare. Enfin tout le monde connaît la ballade allemande : les Morts vont vile. Le poème ne nous a pas dit précisément pourquoi