MICHEL PSELLOS 139 qu’elle eût pu attendrir des rochers; elle avait une voix incomparable, des expressions élégantes et fleuries, une diction harmonieuse et presque oratoire ; il y avait sur sa langue un charme naturel et, quand elle parlait, des grâces inexprimables l’accompagnaient. Elle aimait à m’interroger sur les mythes helléniques et mêlait à sa conversation ce qu’elle avait appris des hommes de science. Elle possédait, à un degré que nulle femme n’a jamais atteint, le talent de savoir écouler1. » Voici avec quelle infatuation naïve Psellos nous raconte sa première entrevue avec l’empereur : « On m’a toujours assuré que j’avais une très belle prononciation, qui se remarquait dans mes paroles même les plus simples. Tout ce que je disais, sans préparation aucune, était empreint d'un charme naturel. Je l’aurais ignoré si plusieurs personnes, m’ayant entendu parler, ne me l’avaient certifié. C’est ce qui me donna entrée à la cour. La grâce, compagne de ma langue, découvrait à l’empereur le fond de mon âme. La première fois que j’entrai chez lui, je ne cherchai pas à faire le beau parleur; cependant le prince éprouva un si vif plaisir à me voir et à m’entendre qu’il faillit m’embrasser : tant ma parole s’était emparée de son esprit2! » Psellos 1. Sathas, Bibliotheca, t. IV. Histoire, p. 129. 2. Id., ibid., p. 123 et s. — Voir la traduction d’un fragment plus étendu par M. Miller dans le Journal des Savants, janvier 1875 : « Dès ma plus tendre jeunesse, dit encore Psellos, on pouvait deviner ce que je serais un jour. J’étais encore inconnu à l’empereur : toute sa cour, avec laquelle j’avais des relations, lui parlait de moi en lui vantant la grâce de mon éloquence. Cette qualité, ce quelque chose de virtuel, si l’on veut, nous vient de la nature. Comme, parmi les corps qui viennent au monde, les uns sont beaux en naissant, les autres ont des taches et quelques défauts,