82 ÉTUDES SUR L’HISTOIRE BYZANTINE Phocas lui envoie chaque année de riches présents. Rien n’égalait la réputation de Digénis Akritas, « l’orgueil des empereurs, la gloire des Grecs, l’élite des braves, l’audacieux gardien des limites, le type de la sagesse, l’honneur des vertus, le généreux distributeur de largesses, le pacificateur de la Roma-nie ». Il ensevelit successivement son père et sa mère. Enfin son tour vient : il est atteint d’une maladie mortelle. On fait venir des pays lointains d’illustres médecins : leurs remèdes sont inutiles, ils ne peuvent que lui prédire sa mort prochaine. Alors il les fait chasser de son palais. 11 appelle sa bien-aimée et commence, dit le poète, « le récit complet de ses aventures ». Si ce récit, qui par endroits devait être une confession, fut réellement complet, nous l’ignorons, car ici commence la lacune du dixième livre *. D'après le poème, Digénis mourut en sa trente-troisième année : d’autres traditions le font vivre plusieurs vies d’homme. L’argument du dixième livre donne à entendre que sa bien-aimée ne lui survécut pas; mais le poème mutilé ne dit rien de la manière dont elle mourut. Les tragoudia ou cantilènes sont plus explicites. Parmi les tragoudia qui se rattachent au cycle de Digénis Akritas, les suivantes surtout méritent d’être connues. Souvent elles s’écartent essentiellement de la donnée du poème, les noms des personnages ne sont pas toujours les mêmes, la filiation et les degrés [I. Pour cette fin, que le manuscrit de Grottaferrata nous a conservée, et les sages conseils que Digénis mourant y donne à sa jeune femme, on peut lire le chapitre cité précédemment de mes Figures byzantines et un intéressant travail de Bréhier, Un héros de roman dans la littérature byzantine, Clerinont-Ferrand, 1910.]