LES EXPLOITS DE DIGÉNIS AKRITAS 79 truit de ses hauts faits, conçoit un vif désir de faire sa connaissance et l’invite à venir le trouver en Cap-padoce. « Seigneur, répondit le gardien des frontières, je suis ton esclave, et si tu désires voir ton inutile serviteur, prends avec toi quelques personnes seulement et viens sur les bords de l’Euphrate. » C’est donc l’empereur qui se déplace pour visiter ce rempart de ses états. Digénis refuse les présents que Lécapène voulait lui faire, et lui adresse un discours sur les devoirs et les vertus d’un souverain. L’empereur le nomme « chef de la Romanie », c’est-à-dire généralissime de ses provinces d’Orient, et s’en retourne enchanté de lui. Dans le sixième livre, le poète raconte, comme le tenant d’Akritas lui-même, une aventure qui n’est pas précisément à la gloire de son héros. Le fils d’Antiochus, illustre général byzantin, avait été fait prisonnier par l’émir Haplorabdis : la fille de l’émir, suivant l’invariable coutume de toutes les princesses sarrasines, s’éprend du captif, brise ses fers et s’enfuit avec lui. Arrivés dans le désert, ils se reposèrent trois jours à l’ombre des grands arbres, au bord d’une claire fontaine. La troisième nuit, le perfide Byzantin disparut avec les deux chevaux et les trésors que la jeune Arabe avait dérobés à son père. Dans sa fuite, il fut arrêté par des brigands et délivré par Digénis. Abandonnant le jeune homme à la garde de ses palikares, Akritas continue sa route et trouve la jeune fille désolée au bord de la fontaine. Il la rassure, s’assied auprès d’elle, et, comme Thésée auprès d’Ariane, écoute le récit de ses aventures. Puis il conçoit le généreux dessein de la ramener auprès du volage fiancé. « En chemin,