LES EXPLOITS DE DIGÉNIS AKRITAS 89 vécu de tsars et de princes, de voiévodes et petites gens, de femmes, de jeunes filles et d'enfants, j’ai tout pris. Samson n’était-il pas un héros? sa force n’était-elle pas énorme? Il avait osé dire : « S’il y avait un anneau fixé dans la terre, je pourrais soulever la terre ». Et cependant je l’ai pris. Et Alexandre, le tsar de Macédoine, n’était-il pas un brave et hardi compagnon? Et le tsar David n’était-il pas un prophète qui pouvait prédire l’avenir? Et le tsar Salomon n’était-il pas savant et avisé? El Akir (Akritas), dans le royaume d'Alep, n était-il pas un homme sage? Plus sage que lui ne se rencontra jamais sous la lumière du soleil. Et cependant il n’a pas osé disputer avec moi, et je l’ai pris! » III Revenons au poème grec et aux tragoudia. Entre ce poème et ces chansons, il y a une différence radicale. Celles-ci sont des productions vraiment populaires, celui-là est une œuvre de lettré. Si nous ignorons le nom de l’écrivain qui le composa à tête reposée dans le silence du cabinet, nous savons du moins à quelle époque il a vécu; il fut le contemporain, l’ami, le confident de son héros. « Le poète, est-il dit à la fin du cinquième livre, tient de la bouche même de l’illustre Basile Digénis Akritas les détails des sixième et septième livres. » Bien que le manuscrit de Trébizonde soit du xvic siècle, le poème fut certainement composé à la fin du xe. Au contraire, les chansons, après s’être transmises de bouche en bouche pendant neuf cents ans, ne