68 ÉTUDES SUR L’HISTOIRE BYZANTINE tantinople n’a donc rien à voir avec la féconde barbarie des âges épiques, avec l’Inde de Rama, la Germanie des Niebelungen, la Cambrie du roi Arthur, la France de l’empereur Charlemagne. Elle est la métropole de ce qui subsistait encore de culture européenne, la capitale des beaux-arts et des belles-lettres, la reine de la mode et de la cosmétique. C’était là qu’on trouvait la bijouterie la plus exquise, les parfums les plus rares, les moines les plus érudits, les acteurs et les danseuses les plus en renom. Aucun centre analogue ne s’était encore créé en Occident : Rome germanisée ne pouvait plus s’égaler à Byzance; celle-ci n’avait de rivale qu’en Asie, dans la Bagdad des califes. Constantinople était sans conteste le Paris du xe siècle : on peut se demander si ses quais de la Corne-d’Or ou sa place Sainte-Sophie étaient plus favorables à l’éclosion d'une épopée que notre place de la Bourse ou le boulevard des Italiens. Mais Constantinople n’était pas tout l’empire : la civilisation byzantine était loin de s’étendre jusqu’aux limites de la monarchie. Ces habitudes littéraires, ce raffinement de culture, cette administration perfectionnée n’avaient guère de prise que sur les provinces les plus rapprochées de la capitale : la Thrace, les rivages de l’Archipel et de la mer de Marmara, les îles de la mer Égée. Au delà le rayonnement de ce centre lumineux diminuait, s’éteignait. Sur tous les confins de l’empire, on retrouvait la lutte contre les nomades, la guerre en permanence. Là-bas, à force de combattre les barbares, les représentants de l’hellénisme devenaient de demi-barbares. Ne risquait-on pas chaque jour d’être emmené