L’HIPPODROME a CONSTANTINOPLE 47 statue, non loin de là, dans une pose attristée, tenait sa tête dans ses mains. Le philosophe Asclépiodore, après avoir lu une inscription mystérieuse gravée sur le socle, tomba dans un profond accablement; l’empereur Anastase lui demanda ce que signifiaient ces caractères : « Non, prince, répondit-il, il vaut mieux ne pas vous l’apprendre, et je serais bien heureux de ne pas savoir ce que je sais » ! Ce qui distinguait les Romains d’Orient des contemporains d’Auguste, c’est qu’ils ne croyaient pas à l’immobilité de leur Capitole et n’avaient pas foi dans l’immortalité de l'Empire. Un temps viendrait, tous le savaient, où l’empereur des Romains, au milieu des pleurs et des gémissements, s’en irait seul à Jérusalem ; si l’on voulait savoir quel était le barbare qui renverserait la monarchie, on n’avait qu’à dévisser le sabot d’un cheval d’airain debout sur une des places publiques. Plusieurs des statues de l’hippodrome étaient colossales. Un certain Hercule avait le pouce aussi gros que la taille d’un homme; mais tandis que le vulgaire était surtout attiré par les vertus magiques ou les proportions gigantesques de ces monuments, les amants des arts admiraient des chefs-d’œuvre d’élégance et de délicatesse. Quelques courts inventaires qui nous sont parvenus prouvent qu’il y avait alors à Constantinople des statues sculptées par Lysippe et par Phidias. Il faut voir avec quelle douleur vraie le savant Nicétas parle d’une Hélène que les compagnons de Villehardouin jetèrent à la fournaise. « Elle captivait tous les regards : son beau corps d’airain offrait aux yeux une chair vivante et palpitante; son front était ceint du diadème, ses beaux cheveux s’échappaient de sa