164 ÉTUDES SUR L HISTOIRE BYZANTINE sangloté, s’est frappé la poitrine, a versé des ruisseaux de larmes, a supplié la terre de l’engloutir. Tu peux croire ce que je t’écris; mes paroles ne me sont pas dictées; c’est la vérité plus claire que le jour. Du moins tu as cette consolation d’avoir pour maître celui qui t’aime, le plus dévoué et le plus affectionné des fils, celui qui a pleuré sur toi, celui qui te consolera, te soutiendra, t’embrassera, t’honorera comme un père. Pour moi, c’est avec des larmes et du sang que j’aurais voulu écrire cette lettre; comme c’était impossible, je l’ai écrite comme j’ai pu, en pleurant, en gémissant de ce que, malgré mon désir et mon empressement, je n’ai pu prévenir ton malheur1. Il eût fallu que l’infortuné Diogène fût bien abîmé clans la contemplation de son heure dernière pour ne pas ressentir quelque indignation, lorsqu’on lui lut cette doucereuse épître du sophiste dont les habiletés littéraires et politiques ne lui étaient que trop connues, lorsqu’on lui présenta comme le plus affectionné des fils le pervers adolescent au nom duquel on l’avait détrôné et torturé. Si Michel VI et Psellos étaient innocents de son supplice, l’étaient-ils de sa chute? L’attentat contre sa personne était moins odieux que le crime contre l’empire, que la trahison qui lui avait arraché la victoire pour le livrer aux Turcs et pour substituer à un vaillant homme un petit prince efféminé. La Romanie avait besoin de militaires et non d’arrangeurs de phrases. Le bel esprit sophistique qui livrait l’empire aux Seljoukides devait un jour le livrer aux Ottomans 2. 1. Sathas, Bibliotheca, t. V, p. 316. [2. Sur cet empire byzantin du xi” siècle et l’esprit qui anime son gouvernement, on lira avec intérêt le remarquable livre de Neumann, Die Weltslellung des byzantinischcn Beichcs. .. (La situation mondiale de l'empire byzantin avant les croisades, trad. française, Paris, 1903.)]