MICHEL PSELLOS 125 Cette coutume ne se rencontre plus aujourd’hui que chez les paysans de certains cantons : il est curieux de la retrouver au xie siècle dans la capitale de l’Empire. Ces vieux usages, survivant à l’influence des mœurs romaines et au triomphe de l’orthodoxie, devaient donner à la vie byzantine, si artificielle et si raffinée, un cachet national, rural même, très marqué. Il y avait là comme deux civilisations juxtaposées, l’une maniérée et cosmopolite, l’autre populaire et tout hellénique. Le contraste des deux éléments est encore plus vif quand on voit Psellos, le futur philosophe et le futur ministre, reprendre pour son propre compte la psalmodie funèbre, comme eût pu le faire le dernier paysan du Pélo-ponèse, improviser une lamentation qui ramène les tournures et les expressions traditionnelles, tandis que ses parents assemblés autour de lui gémissent en chœur et forment à ses plaintes rythmées un lugubre accompagnement. Il y a certainement dans son improvisation une pointe de bel esprit, mais on ne sait trop si elle tient à l’afféterie d’un lettré ou bien au goût étrange de la poésie primitive. Lorsque j’ouvris les yeux, et que je vis le tombeau de ma sœur, je compris toute l’étendue de mon malheur et, revenant à moi, je versai sur sa cendre, comme des libations funéraires, les ruisseaux de mes larmes : « 0 ma douce amie! m’écriai-je, — car je ne la traitais pas seulement de sœur, je l’appelais de tous les noms les plus tendres et les plus affectueux. — 0 beauté merveilleuse, nature incomparable, vertu sans rivale, belle statue douée d’une àme, aiguillon de la persuasion, sirène des discours, grâce invaincue 1 0 toi qui es tout pour moi, et plus que mon àme! Comment es-tu partie abandonnant ton frère? comment as-tu pu t’arracher à celui qui a grandi avec toi ? com-