84 ÉTUDES SUR L’HISTOIRE BYZANTINE dans le poème, au contraire, il n’est que le petit-fils d’Andronic Doucas, et c’est la fille de celui-ci qui est enlevée par l’émir d’Édesse. L'enlèvement d'Eudocie par Dige'nis est une chanson qui s’accorde mieux que la précédente avec les données du poème. Digénis est l’amoureux d’une jeune fille « aux yeux noircis de khôl ». Il charge un de ses amis d’aller la demander pour lui en mariage. La coutume nationale exigeait en effet, alors comme aujourd’hui, que l’union fût négociée par un tiers. La mère de la jeune fille a fait cette réponse : « La mère de Digénis est Sarrasine, son père est Juif, et lui, c’est un aventurier. Je ne veux point de lui pour gendre. » Quand cette réponse est transmise au prétendant, il monte à cheval et court au palais de la jeune fille. En chemin, il coupe un sapin, taille dedans un violon et, sous les fenêtres de la bien-aimée, se met à en jouer si mélodieusement que les oiseaux du ciel l’accompagnent. Alors, comme dans le poème, Eudocie se met à la fenêtre et Digénis en profite pour l’enlever. On se lance à sa poursuite; il s’arrête pour faire tête à ses ennemis et fait asseoir la jeune fille sur un bloc de rocher. Un dragon en sort : Digénis lui assène un coup de poing qui lui déforme la mâchoire et lui dit : « Veille, dragon, veille sur ma maîtresse ». Il extermine les assaillants et, moins respectueux que dans le poème du sang de la jeune fille, tranche la tête à sa belle-mère. Le beau-père consent au mariage et offre une dot; mais Digénis, toujours généreux, répond : « Sans dot je la voulais, sans dot je la prends ». Cette inimitié de la belle-mère contre son gendre Digénis, inimitié dont ne parle pas notre poème, doit