HELLÈNES ET BULGARES AU X° SIÈCLE 259 ment, toutes les chances de succès : nulle rivalité possible de la part de ces obscures tribus indigènes ; la rupture avec la Rome italienne arrêtant net l’afflux de colons d’Occident; ceux mêmes que l’empereur Trajan avait établis en Dacie, les futurs Roumains, emportés par la première tourmente des invasions, dispersés en des lieux inconnus, évanouis de l’histoire, qui pendant des siècles ne saura même plus leur nom; enfin les provinces asiatiques du nouvel empire, de Trébizonde à la Syrie, de Smyrne à l’Euphrate, hellénisées depuis les temps alexandrins, offraient pour la complète hellénisation des provinces d’Europe un réservoir inépuisable d’hommes et d’énergies. Le gouvernement qui s’installait dans la vieille cité de Byzance disposait des trois forces morales les plus puissantes qui eussent encore existé dans le monde. Il procédait à la fois de Rome, de la Grèce et de la Judée. Son souverain était l’héritier de Jules César, d’Alexandre le Grand et de Jésus-Christ. Son peuple était le peuple hellénique, et le peuple romain, et le peuple de Dieu. Il était même le seul peuple romain, du jour où la vieille Rome succomba sous l’invasion germanique. De ce jour-là aussi le maître de Constantinople se trouva être le seul empereur chrétien, le suprême défenseur de la foi, l’Isapostolos (semblable aux apôtres) par excellence, le détenteur de toute orthodoxie religieuse comme de toute légitimité politique, le monarque type vers lequel tous les rois et tous les peuples barbares eurent les yeux tournés et les mains tendues, les uns pour lui demander la consécration de leur titre r°yal, les autres pour s’offrir en qualité de colons ou