l’HIPPODROME A CONSTANTINOPLE 29 divertissement à l’augusta, il fallait qu’elle y assistât « invisible et présente ». Les matrones de la Rome byzantine, sous l’influence chaque jour plus décisive des idées orientales, n'avaient plus la liberté d’allure des matrones romaines d’Occident. Le gynécée de l’ancienne Grèce, plus fermé déjà et plus jaloux que la maison du pater familias latin, tournait alors au harem asiatique. Or il y avait entre le grand palais impérial et le palais de la tribune une église dont les catéchuménies donnaient sur l'hippodrome : c’était celle de Saint-Étienne, bâtie par Constantin. Les galeries et les fenêtres du sanctuaire servaient donc à l’impératrice de baignoires ou de loges grillées, et l’église devenait une dépendance du théâtre '. Nous avons vu les places privilégiées où s’asseyaient les grands de l’empire, l’autocrator et l’augusta, les membres de la sacro-sainte hiérarchie, les fonctionnaires et les généraux slaves ou turcs, bulgares ou khazars, arabes ou perses, qui formaient l’aristocratie du monde néo-hellénique; passons aux places réservées à cette multitude presque cosmopolite qui s’intitulait encore « le peuple romain ». Comme rien n’était trop beau pour lui, les gradins où il s’asseyait étaient de marbre blanc; dans la décadence et la ruine de l’hippodrome, la masse énorme de ces gradins devint une sorte de carrière d’où les architectes ottomans tiraient les blocs de [1. Il existe à Sainte-Sophie de Kiei de très curieuses fresques du xi“ siècle, où l’on trouve la vivante image de l’hippodrome byzantin. On y voit les carceren, l’empereur dans sa loge, l’impératrice dans sa tribune, les courses et les jeux de toute sorte qui amusaient le peuple byzantin.]