ÉTUDES SUR L’HISTOIRE BYZANTINE nie comme à l’histoire môme de la patrie commune. Les noms de Justinien, d’Héraclius, des Comnène, des Paléologues ne sont pas moins populaires dans les écoles grecques que chez nous ceux de Charlemagne, de saint Louis ou de Philippe le Bel. Celui de Constantin Dragasès, le dernier empereur, s’est même conservé dans la mémoire des masses, comme le prouve une chanson récemment publiée par M. Legrand1. Les Hellènes ont avec raison le culte de leur moyen âge; c’est la période de transition par laquelle la Grèce moderne se rattache à la Grèce antique. Le lien qui unit le présent au passé est même plus visible chez eux que chez aucune autre nation européenne. Nul peuple, pendant une série de plus de trente siècles, n’est resté à ce point identique à lui-même. Que de transformations n’avons-nous pas subies pendant une période de moitié plus courte : tour à tour Gaulois, Romains, et Français seulement depuis le ixc siècle? Nous avons parlé des idiomes celtiques et des patois latins, et quelles vicissitudes n’a pas éprouvées le français proprement dit? Nous sommes des Néo-Latins comme les sujets du roi Georges sont des Néo-Grecs, mais le grec d’un ouvrier d’Athènes est encore du grec. Comme le disait naguère M. Rangabé, « la langue d’aujourd’hui est celle de Xénophon, de Plutarque, de Lucien et de l’Évangile ». 1. Recueil de Chansons populaires grecques. Paris, Maisonneuve, p. 74-77 : « Et un Turc lui frappa sur la tête — et le pauvre Constantin tomba de sa jument — et il resta étendu dans la poussière et dans le sang. — Ils lui coupèrent la tête et la plantèrent au bout d’une lance — et ils ensevelirent son corps sous le laurier. »