LES EXPLOITS DE DIGÉNIS AKRITAS 73 duels. On s’y sentait fort loin de Byzance. On se serait cru non pas dans les provinces d’une monarchie policée, mais dans l’anarchie féodale del’Occi-dent. Ce milieu héroïque des thèmes anatoliques n’était pas moins propre que la France des premiers Capétiens à enfanter la grande poésie guerrière. C’est là en effet qu’est née l’épopée de Basile Digénis Akritas. Le nom même du héros résume bien cette civilisation étrange des marches helléniques qu’il est chargé de personnifier. Il s’appelle Akritas, c’est-à-dire le gardien des akra (extrémités ou frontières) ; il s’appelle Digénis, parce qu’il appartient à la fois aux deux races qui étaient là en présence : Grec par sa mère, qui était une Doucas, musulman par son père, l’émir Mousour, prince d’Édesse. Du cycle épique qui se forma autour de lui il ne nous reste que des fragments. Les uns sont des tragoudia ou cantilènes isolées qui ont déjà été éditées dans divers recueils; les autres ont pris place dans un grand poème d’environ trois mille vers qui est publié aujourd’hui pour la première fois. On n’en connaît jusqu’à présent qu’un seul manuscrit en langue grecque : c’est celui qui a servi à l’édition. Il appartient à la bibliothèque publique de Trébizonde. M. Joannidis l’avait déjà signalé en 1870 dans son Histoire et statistique de Trébizonde. Il fut envoyé deux ans après à MM. Sathas et Legrand, qui en ont entrepris la publication. Le poème avait une étendue plus considérable; mais de graves lacunes se rencontrent dans le manuscrit. Sur les dix livres de cette Digénide, il manque notamment tout le premier livre, la moitié du second, un feuillet du septième et