88 ÉTUDES SUR L’HISTOIRE BYZANTINE légendes, semble avoir entendu parler du héros grec. Dans des contes et des chansons russes, qu’analyse M. Vessélovski, il est question d’un certain Anika, originaire d'Evless. Faut-il reconnaître ici notre Akritas, né dans le palais d’Édesse? ou bien Anika est-il purement Russe? M. Vessélovski dit qu’on montre son tombeau dans la vieille Moscovie, près de Vologda, et que sur cette tombe maudite chaque passant est tenu de jeter une pierre. Si Anika est Akritas, il faut que le souvenir de celui-ci se soit bien déformé et perverti. Anika en effet est un brigand, un impie, qui détruit les églises, outrage les images, massacre le peuple chrétien. Il se met en route dans le dessein de couronner ses crimes par la profanation de Jérusalem. Sur son chemin, il rencontre un champion étrange : il a une tête d’homme, un corps de bête fauve, des pieds de cheval. L’inconnu décline son nom; il s’appelle la Mort. Anika essaie de payer d'audace ; il menace son ennemi de le broyer avec sa massue et de le fouler aux pieds. « J’ai fauché bien d’autres héros, répond froidement la Mort, et toi aussi je te faucherai. » L’audace du brigand s’évanouit; il demande grâce, offre un trésor pour se racheter, implore un délai d’un an, d’un mois, d’un jour. La Mort inexorable avec une scie invisible lui tranche les os et les veines. Le souvenir d’Akritas, non plus d’un brigand, mais de celui que le poème de Trébizonde appelle le type de la sagesse, se retrouve encore dans un conte russe, où la Mort lutte contre un guerrier. Elle lui adresse ces paroles calmes et terribles, bien propres à décourager tout adversaire : « Depuis Adam jusqu'à maintenant, tout ce qui a