LES EXPLOITS DE DIGÉNIS AKRITAS 83 de parenté sont autrement indiqués, le héros lui-même porte quelquefois un autre nom. La première et la plus connue de ces cantilènes est intitulée le Fils d'Andronic. Les Arabes ont fait une irruption et enlevé la femme d’Andronic. Dans la prison de l’émir, elle donne le jour à un fils, qui est un héros. « A un an, il saisit l’épée, à deux ans la lance, et quand il marcha sur trois ans, on le tint pour palikare. Il sort, il devient fameux. Il ne craint personne, ni Pierre Phocas, ni Nicéphore, ni Petra-chilos, qui fait trembler la terre et le monde, et, si la guerre est juste, il ne redoute pas même Constantin. » Il part sur son cheval moreau et trouve des Sarrasins qui s’exerçaient à sauter. Il les provoque. « Les sauts que vous faites, vous autres, des femmes enceintes les font. Liez-moi les mains derrière le dos avec une chaîne trois fois redoublée, cousez mes paupières avec un fil trois fois redoublé, mettez sur mes épaules une masse de plomb de trois quintaux, attachez à mes pieds deux entraves de fer, et vous verrez comme sautent les palikares grecs. » On fait ce qu’il désire, mais le voilà qui brise tous ces liens, franchit neuf coursiers d’un seul bond et retombe à cheval sur le sien. Puis il va à la recherche de son père. Sa mère lui dit à quel signe il distinguera, parmi toutes les autres, la tente paternelle. Peu s’en faut qu’un combat ne s’engage entre le père et le fils ; mais Andronic reconnaît son sang et, levant au ciel ses yeux baignés de larmes : « Je te glorifie, Dieu de douceur, deux et trois fois. J’étais l’épervier solitaire et maintenant nous voici deux éperviers. » Cette chanson, comme on le voit, fait du jeune héros le fils d’Andronic, dont la femme aurait été enlevée;