58 ÉTUDES SUR L’HISTOIRE BYZANTINE ronne de bronze doré qui, après la cérémonie, fait retour au vestiaire de la faction, pour récompenser les vainqueurs des générations suivantes. Pourtant l’hippodrome n’avait encore rien perdu de sa splendeur monumentale. L’empire de Byzance était comme un noble de bonne maison qui vit d’économie, mais qui ne peut se décider à congédier ses cochers, à mettre à l’encan le mobilier qui lui reste de son ancienne opulence. La magnificence de l’hippodrome faisait encore passer sur la mesquinerie qui présidait à ses solennités. En 1204, les Latins s’emparèrent de Constantinople. Parmi les pèlerins militaires qui mirent cette cité chrétienne au pillage se rencontra un pauvre gentilhomme amiénois, Robert de Clari. Comme Villehardouin, il nous a laissé en langue française le récit de cette brillante et déplorable expédition; son manuscrit, retrouvé dans une bibliothèque du nord, a été publié par le comte Riant1. Inconnu jusqu’ici, il prend dignement sa place à côté du maréchal de Champagne; ils sont les deux premiers qui aient écrit l’histoire des Français en langue française. Or, tandis que Villehardouin, tout occupé de mener à bien l’expédition dont il a la responsabilité, ne peut que nous assurer d’une manière générale, et en jurant sa parole de maréchal, que Constantinople est la plus splendide cité qu’on vit jamais, Robert de Clari, simple chevalier banneret, s’est donné le plaisir de visiter en détail sa conquête. Il a parcouru Constantinople, admiré les hautes colonnes triomphales au sommet 1. Voir A. Rambaud, Robert de Clari, guerrier et historien de la Quatrième Croisade, dans Mémoires de VAcadémie de Caen} 1872.