14 CRUCIFIÉS AU CARREFOUR tes, dans le domaine économique, social, politique et culturel, était l’ancienne République de Raguse. Mais cette Raguse — vrai Mont Blanc au-dessus du niveau culturel, social et économique du reste du monde yougoslave jusqu’au xix0 siècle — était, par ses sentiments et par sa pensée, aussi serbe que croate. Tout Ragusain lettré préconisait une association nationale plus vaste comprenant tous les Yougoslaves et propageait l’idée de « Slovinstvo », d’ «Illyrisme», c’est-à-dire le yougoslavisme. Ces mêmes sentiments étaient jusqu’à 1865 ceux de presque tout Croate fidèle à sa race, qu’il soit né sur la rive de l’Adriatique, dans les montagnes de son Hinterland ou aux confins des plaines de Pannonie. Et c’est ce qui explique que, jusqu’à la moitié du xixe siècle, les étrangers n’ont jamais fait de distinction entre les Serbes et les Croates. Pour les chroniqueurs de Ryzance, Skilitzès et Zonaras, Serbes et Croates sont : « Les Serbes qu’on appelle aussi Croates » ou bien : « Les Croates qu’on appelle aussi Serbes » ; chez les chroniqueurs occidentaux des Croisades, les Serbes et les Croates portent le nom commun de « Sclavi (Esclavons) »; Venise les désigne sous le nom commun de « Schiavoni ». Par conséquent, le nationalisme de Startché-vitch est la négation même de l’histoire et des tendances historiques fondamentales des Croates. Il n’est pas la résultante d’une différenciation objectivement nécessaire et inévitable; il n’a pas de source dans les véritables sentiments du peuple, dans son développe-