40 CRUCIFIÉS AU CARREFOUR tes. En vain Stoïan Pnotitch s’opposait à la politique de Pribitchévitch ; les Serbes ont préféré sacrifier leur éminent homme d’Etat, leur Caton. Pourquoi l’ont-ils fait? Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, Belgrade ruinée par la guerre regardait avec envie la richesse et l’expansion économique de Zagreb, et il était facile de lui persuader la politique qui consistait à fonder sa puissance et sa grandeur sur l’écrasement et la ruine de Zagreb. Pribitchévitch a donc réussi, en s’adressant non pas à la sagesse politique, mais uniquement aux bas sentiments d’envie et de jalousie, faciles à provoquer dans une Belgrade dévastée par la guerre. Et puis, Belgrade était grisée par la plus enivrante des boissons, la victoire : non seulement par la victoire dans la guerre, mais aussi et surtout par la facilité de ses premières victoires remportées sur Zagreb en décembre 1918. Les prétentions de Zagreb à l’hégémonie se sont alors écroulées comme un château de cartes, ce qui a fait croire à Belgrade qu’il serait très facile de l’écraser à jamais. Le monde politique de Belgrade (c’est-à-dire l’immense majorité du parti radical serbe qui était au pouvoir et aussi les partis de l’opposition) a commis une faute grave en se laissant engager dans la voie que Pribitchévitch lui avait tracée. La Constitution de Yidovdan de 1921, résultat de cette erreur capitale, conférait à Belgrade, d’un trait de plume, la position qu’en France Paris avait acquise au long de dix siècles, et du même trait de plume,