LES DEUX CROATIE 53 mosité à l’égard des Serbes. Il luttait tout simplement pour des conquêtes d’ordre social et économique. En réalité, à ce moment-là, il combattait moins Belgrade que les « Messieurs » croates, comme il nomme les bourgeois, il en voulait surtout à la petite et à la grande ville de Croatie qui avaient moralement rompu avec le village, le méprisant et l’exploitant sans vergogne. Malheureusement, Stéphane Raditch n’était pas seulement l’interprète incomparable des sentiments et des aspirations des masses paysannes croates, il était en même temps le prisonnier du milieu bourgeois de Zagreb. C’est là que résident la contradiction et le drame intérieur qui déchiraient sa personnalité, et c’est cette contradiction qui a occasionné la tragédie dont il a été victime. En effet, les milieux malsains de la bourgeoisie de Zagreb ont adroitement mis le mouvement purement social des masses paysannes croates au service de leurs tendances à l’hégémonie, tout au moins de leurs aspirations dualistes. Stéphane Raditch a senti tout l’inconvénient de cette mésalliance des paysans avec les éléments bourgeois et, à plusieurs reprises, il a tenté de secouer le joug d’une bourgeoisie décadente (voir les luttes dans le Conseil général du département de Zagreb en 1927). Si Raditch n’y est point parvenu, la faute en est surtout aux hommes politiques de Belgrade qui, par la Constitution de Vidovdan et par le centralisme rigide, ont obligé Raditch à grossir le plus possible les rangs de ses partisans, à 4