38 CRUCIFIÉS AU CARREFOUR tant expressif de la probité patriarcale du peuple serbe, n’était pas seulement un homme politique d’une grande culture, mais un des rares hommes d’Etat de la Serbie qui connaissait assez les Croates, leur mentalité politique, leurs faiblesses et leurs qualités. On doit savoir qu’avant la guerre, Belgrade et Zagreb s’ignoraient et que les hommes politiques de Belgrade, jusqu’en 1918 et même plus tard, connaissaient l’histoire politique et la culture des Français et des Allemands mieux que celle des Croates; inversement, les hommes politiques croates étaient mieux renseignés sur tout autre chose que sur le développement historique et politique de la Serbie. On voit dans quel état de non-préparation la Serbie et la Croatie ont commencé leur vie commune. Stoïan Protitch, partisan d’un conservatisme raisonnable et d’une évolution prudente, était d’avis que Zagreb vaincue devait être traitée avec beaucoup de ménagements, et, comme il a été soutenu par d’autres, sa thèse a prévalu au début. Mais pas pour longtemps, car malheureusement ce premier essai de collaboration loyale entre Belgrade et Zagreb a été bientôt troublé par l’intervention funeste d’un troisième facteur politique. Ce troisième facteur était M. Svétozar Pribitchévitch, politicien qui jouissait alors de la plus grande autorité parmi les Serbes de Croatie. Belgrade ignorante des affaires croates avait accueilli, en 1918, M. Svétozar Pribitchévitch avec une confiance d’autant plus grande