54 CRUCIFIÉS AU CARREFOUR grouper sous sa bannière la bourgeoisie croate, en majorité parasitaire, et de la traîner comme un boulet. Ce n’était donc pas la haine nationaliste qui dressait les paysans croates ni leur chef Raditch lui-même contre Belgrade. C’est pourquoi, en 1925, il s’est sincèrement rapproché de Belgrade en lui tendant une main loyale. Il a prêché à qui voulait l’entendre, à ce mo-ment-là, que le mouvement paysan croate était comme « une formidable chute d’eau dont il s’agissait d’exploiter les forces, par un système de turbines, pour des fins positives ». Mais Belgrade s’est montrée incapable de capter cette force imposante. Raditch avait projeté une fusion du parti paysan croate avec le parti serbe le plus important, le parti radical qui, lui aussi, s’appuyait sur les paysans. Mais la démocratie serbe groupée dans le parti radical n’a pas su profiter de cette bonne disposition de Raditch. En un mot, les hommes politiques de Belgrade n’ont pas voulu accepter sans arrière-pensée la main tendue par Radich dans un esprit de conciliation. Pourquoi ? Parce que la Belgrade d’après-guerre, imbue, elle aussi, de l’esprit bourgeois, ne croyait pas à la sincérité du geste de Raditch, pas plus qu’à la sincérité des sentiments fraternels des paysans croates. Ne connaissant pas leur mentalité, Belgrade a mal jugé la situation créée par la capitulation de Raditch. Vivant dans l’erreur que le fossé spirituel entre la majorité des Serbes et des Croates était réellement profond, croyant à tort à la haine