52 CRUCIFIÉS AU CARREFOUR amalgamé et fondu avec les Serbes en une unité ; avec les Serbes, il a chanté les mêmes chansons de gestes, il a écouté le « guslar » — le barde national — dansé les mêmes danses, porté les mêmes vêtements, mené la même vie de dur labeur et de souffrance. C’est avec des Serbes que la Croatie populaire a marché contre les seigneurs féodaux (dans la jacquerie de Mathieu Goubetz). C’est toujours avec les Serbes que les Croates ont accompli l’épopée des Ouskoks (les héros dans la lutte pour l’indépendance au 16e siècle), et c’est encore avec les Serbes qu’ils ont formé la barrière de granit qu’étaient les « Confins Militaires » {« Krajina »), qu’ils ont combattu sous Napoléon en Russie et sous le général autrichien Radetzky en Italie, sous le Ban Yélatchitch contre les Hongrois. La Rome catholique hait le schisme orthodoxe ; dans cette haine la Croatie des seigneurs et des bourgeois a toujours été prête à la suivre, mais rien ne serait plus faux que de conclure que la Croatie populaire nourrit, elle aussi, de la haine à l’égard de l’église orthodoxe. Il faut savoir que le paysan croate, à la différence du paysan slovène, n’est point du tout clérical. Par là encore il ressemble au paysan serbe. Mais ce qui le distingue de ce dernier, c’est qu’il n’a pas le sentiment national aussi développé et qu’il attache une plus grande importance à l’élément social. Et lorsque, sous la conduite de Stéphane Raditch, le paysan croate combattait Belgrade de 1918 à 1925, il n’était nullement guidé par un sentiment d’ani-