10 CRUCIFIÉS AU CARREFOUR étranger, où les Yougoslaves ne jouissaient pas de la liberté, tandis que Belgrade était la capitale d’un Etat national libre. C’est de cette manière qu’a commencé la lutte pour la primauté entre Belgrade et Zagreb, lutte qui se poursuit de nos jours encore. Dans cette lutte, Zagreb sentait nettement que la liberté et l’indépendance de la Serbie étaient un argument extrêmement puissant en faveur de Belgrade. Pour émousser cet argument, Zagreb a trouvé une idée ingénieuse : par le truchement d’Anté Startchévitch qui était devenu son nouveau porte-parole et qui avait créé la doctrine du parti «du droit croate», la Zagreb bourgeoise se proclama le champion de la civilisation occidentale, tandis qu’arbitrairement elle fit de Belgrade le représentant de l’Orient en Europe; et pour délimiter l’Oc-cident et l’Orient européens, pour séparer les sphères d’intérêts entre elle et Belgrade,Zagreb traça une ligne imaginaire allant de Zémoun à Kotor (1). Par là Zagreb renonça à la tendance de grouper tous les Yougoslaves et voilà pourquoi Startchévitch a mis à l’index l’idée de l’unité yougoslave. La remplaçant, il avait fondé « ad usum Zagrabiae » un nouveau nationalisme, le nationalisme croate dont on ne pourrait trouver que de légères traces (2) avant (1) Zémoun, ville située au confluent du Danube et de la Save, en face de Belgrade; Kotor (les Bouches de Cattaro), ancien port de guerre autrichien, au sud de l’Adriatique. La ligne Zémoun-Cattaro