12 CRUCIFIÉS AU CARREFOUR l’Europe occidentale. Dans ce sens, la bourgeoisie de Belgrade est même allée plus loin que celle de Zagreb : tandis que cette dernière s’est formée sur le modèle de Vienne et de Budapest, la bourgeoisie de Belgrade, dès son début, s’est efforcée de prendre contact directement avec Paris, de s’organiser d’après le modèle de la bourgeoisie française et non d’après ses pâles copies de Vienne et de Budapest. Quant au fait de proclamer la ligne de Kotor-Zemoun comme démarcation entre l’Orient et l’Occident, il est tout aussi arbitraire et basé sur l’interprétation unilatérale de l’histoire. Car, si à un certain moment cette ligne a départagé les deux Empires romains de l’Orient et de l’Occident, ni avant cette époque ni pendant les seize siècles qui ont suivi, personne n’en a tenu compte. En effet, elle avait perdu toute signification, non seulement à l’époque où Justinien cherchait à refaire l’unité de l’Empire romain, mais encore plus tard lorsque Byzance domina, jusqu’au xn° siècle, nominalement et effectivement, la Dal-matie. Cela ressort également du fait que l’impérialisme de l’église de Byzance, poursuivant son expansion, luttait en Moravie même contre la poussée envahissante du catholicisme romain. Sans difficulté aucune, cette pseudo-frontière fut traversée plus tard par les Turcs qui la laissèrent loin derrière eux et frappèrent même aux portes de Vienne. Cette ligne n’a pas arrêté non plus les Austro-Allemands, ni à l’époque d’Eugène de Savoie,