128 L’ÉVOLUTION POSSIBLE ninque devait faire oublier au Habsbourg les défaites et les drames récents, le passé et l'Allemagne. Le dualisme, conséquence de Sadowa, permettait aux Hongrois d’exercer une influence d’année en année grandissante : ils tendaient vers l’est. Et puis, Bismarck prévoyait bien que l’Autriche, une fois engagée dans les Balkans, non seulement ne pourrait plus reculer, mais tendrait fatalement à gagner du terrain. Or, la Russie venait de se montrer, une fois de plus, dans les Balkans, puissance belliqueuse. On avait l’impression qu elle cherchait à travers les pays bulgares cette mer libre, dont elle sent impérieusement le besoin depuis Pierre le Grand et qu’elle ne trouve ni dans le lac de la Caspienne, ni dans la mer Blanche trop longtemps gelée, ni dans la mer Baltique, ni dans la mer Noire, aux détroits commandés ou fermés (I). (1) Dès 1828, Radetzky, dans un mémoire, développait ces idées : « Par sa position géographique, disait-il, la Russie est obligée de s’ouvrir le Bosphore et le Sund. Elle ne peut s’ouvrir le premier qu’en divisant ses rives entre deux puissances indépendantes, ou en en prenant possession. Elle pourrait aussi permettre que la liussie possédât sur les détroits une forteresse isolée, analogue à Gibraltar. Mais l’Autriche ne pourra jamais tolérer que la llussie s’incorpore la Turquie en tout ou en partie : en effet, dans ce cas, l’Autriche serait cernée et contrôlée par la Hussie. Le Danube est la principale artère de l’Autriche. Son libre débouché dans la mer est aussi nécessaire à l’Autriche que le Sund et les Dardanelles le sont à la Russie. Or, pour utiliser librement le Danube, l’Autriche a, elle aussi, besoin du libre usage des Darda-