XIV PRÉFACE * * * Il y a des années, pour ne pas dire des siècles, que les prophètes de la politique nous annoncent la prochaine désagrégation de la monarchie habsbourgeoise, comme si le vieil Empire danubien n’était qu’une création artificielle, un État viager dont l’existence éphémère fût liée à celle de son chef. Ces sinistres prédictions, renouvelées tous les trente ou quarante ans, ont jusqu’ici été démenties par l’événement. Que de fois déjà, sous l’ancien régime, comme depuis la Révolution, l’existence de l’Autriche a été mise en péril par la turbulence de ses peuples ou par les convoitises de ses ennemis ! Et toujours l’histoire a déçu les oracles annonçant la fin du Habsbourg. Comme si elle possédait en elle-même, non moins que dans les rivalités de ses voisins une force occulte, un mystérieux principe de vie et de cohésion, la vieille monarchie a survécu aux insurrections nationales, aussi bien qu’aux défaites de ses armées et à la formation d’une Allemagne ou d’une Italie. Pouvons-nous augurer de l’avenir d’après les leçons du passé? ou devons-nous croire au contraire que cet archaïque édifice aux matériaux disparates, qui ne sont même plus cimentés par l’unité religieuse, est condamné à une ruine